À chaque rentrée, les discussions sur la cour d’école reprennent de plus belle autour de la table familiale. Entre les cartables flambant neufs et les boîtes à goûter personnalisées, un sujet revient régulièrement : pourquoi certains enfants semblent-ils allergiques à l’idée de prêter leur matériel ou leurs petits trésors à leurs camarades ? Est-ce juste un caprice passager ou faut-il s’en préoccuper ? Décortiquons ensemble cette question qui, mine de rien, touche bien plus aux mécanismes de développement de nos enfants qu’à une quelconque histoire de gomme disparue.
Comprendre que prêter n’est pas inné : pourquoi les enfants freinent des quatre fers
Un attachement normal à ses affaires : les racines du « c’est à moi »
Dans l’univers enfantin, l’attachement aux affaires personnelles relève rarement de la simple possession. Le fameux « c’est à moi » n’est pas qu’une formule égoïste : il signe la construction de la notion de propriété, une étape essentielle du développement. Prêter revient alors, dans leur tête, à mettre en jeu un petit bout de leur identité naissante. Difficile de lâcher prise sur sa gomme préférée ou sa figurine fétiche, surtout après des semaines à avoir choisi minutieusement chaque accessoire de la rentrée.
L’école, un terrain d’essais… et d’inquiétudes pour les enfants
S’il y a bien un endroit où la question du partage se pose, c’est à l’école. Tout y devient affaire de troc, d’échanges, de micro-négociations autour de bricolages, stylos, pogs ou autres objets-récompenses. Même les plus sociables hésitent parfois à prêter : peur qu’on n’en prenne pas soin, crainte de ne jamais récupérer l’objet, ou tout simplement envie de garder un petit jardin secret. Et chez les plus jeunes, cette angoisse est exacerbée par le manque de contrôle : difficile de surveiller qui rendra (ou pas !) le tube de colle à la fin de la récré…
Les étapes du partage : qu’est-ce qui se passe entre 6 et 10 ans ?
Vers 6-7 ans, le partage s’apprend par l’exemple… et les essais-erreurs. L’enfant teste ses limites, découvre la frustration, fait parfois face à la déception lorsqu’il retrouve son crayon cassé. Entre 6 et 10 ans, il n’est pas rare que le refus de prêter soit fréquent et parfaitement normal – tout simplement parce que la générosité ne s’enseigne pas du jour au lendemain. Progressivement, l’école et la vie de groupe aident à nuancer ce rapport au propre et à l’autre. Certains enfants, plus sensibles ou anxieux, peuvent toutefois rester plus longtemps dans ce mode défensif sans que cela ne traduise un vrai « problème ».
Derrière le non, des signaux à repérer pour ne pas passer à côté d’un vrai malaise
Refus de prêter ou peur d’être exclu : comment distinguer un simple trait de caractère d’un signe d’alerte ?
Bien entendu, tous les enfants ne vivent pas le partage avec la même aisance. Pour certains, refuser de prêter exprime juste un tempérament prudent ou un besoin d’intimité. Pour d’autres, le refus s’accompagne de signes plus marquants : peur d’être moqué, crainte de perdre sa place dans le groupe, angoisse à l’idée qu’on ne lui rende pas ses affaires. Être à l’écoute de ces non-dits, sans stigmatiser, est un premier pas pour démêler une timide réserve d’un vrai malaise social.
Isolement, disputes, répétition du conflit : quand s’inquiéter et agir ?
Prêter occasionnellement pose rarement souci. C’est lorsqu’un enfant refuse systématiquement tout échange, s’isole, ou entre fréquemment en conflit avec les autres au sujet de ses affaires qu’il faut prêter attention. Parfois, ce comportement cache une difficulté à se sentir en sécurité ou une faible estime de soi, exacerbée par la dynamique de groupe à l’école. S’il y a des disputes prolongées, un véritable isolement, ou que le problème semble s’aggraver malgré le temps, il peut être utile de consulter l’équipe éducative ou de faire le point avec d’autres parents pour comparer les expériences vécues.
Pour lever les doutes, voici un petit tableau qui synthétise les situations courantes :
| Situation observée | Plutôt normal | À surveiller |
|---|---|---|
| Refus occasionnel de prêter | Oui | Non |
| Refus systématique + disputes | Non | Oui |
| Refus mais bonne intégration sociale | Oui | Non |
| Refus avec isolement/repli sur soi | Non | Oui |
Accompagner son enfant vers le partage : astuces de parents pour cultiver la générosité
Valoriser les petites victoires du partage au quotidien
Apprendre à prêter, c’est comme apprendre à faire du vélo : cela demande du temps, des encouragements, et quelques chutes sans gravité. Dès qu’une occasion de partage se présente, félicitez sans en faire des tonnes : « Tu as prêté ta règle, c’était gentil », « Tu m’as laissé goûter, merci ! ». Cette valorisation discrète aide l’enfant à comprendre que la générosité est un atout et non une prise de risque.
- Exemple : instaurer un « objet à prêter » à la maison, pour que chacun s’exerce dans un contexte bienveillant.
- Proposer des jeux coopératifs où chacun met à disposition ses cartes ou jetons.
- Encourager le partage avec des adultes de confiance (parents, grands-parents), là où la peur de perdre est moindre.
Des outils concrets pour dépasser la peur de perdre ou d’être jugé dans la cour
L’automne et la rentrée scolaire sont propices pour redonner confiance à nos enfants. Préparer ensemble la trousse du matin, discuter de l’objet auquel on tient le plus (et pourquoi !) permet aussi de poser les bases. Si votre enfant craint de ne pas revoir ses affaires, proposez-lui par exemple de ne prêter qu’à certains camarades, ou de fixer une « règle de retour » claire. Et pourquoi ne pas instaurer un petit symbole : mettre une gommette ou un autocollant sur un objet pour signaler qu’il est prêté, histoire de rendre ce passage moins angoissant ?
On peut aussi, l’air de rien, partager soi-même devant l’enfant : « Oh, tu veux emprunter mon stylo ? Bien sûr ! » Rien de tel que l’exemple sans prise de tête pour semer quelques graines de partage dans leurs esprits…
Enfin, discutez de la différence entre prêter et donner : certains enfants craignent la perte définitive. Distinguer ces deux notions à la maison, c’est déjà lever un flou dans leur esprit !
Grandir en apprenant à prêter, c’est toute une aventure : à vous d’accompagner votre enfant, en restant attentif sans dramatiser !
Le refus de prêter à l’école, surtout entre 6 et 10 ans, est bien souvent une étape normale du développement – entre affirmation de soi, premières angoisses et découvertes de la vie sociale. Ce comportement ne devient inquiétant qu’en cas de conflits répétés, d’isolement ou de souffrance manifeste. Cultiver le partage se fait dans la douceur, à travers les petits rituels, les encouragements et les exemples du quotidien. L’automne peut être une source d’inspiration : profitez du retour des goûters dans les cuisines pour inviter les enfants à partager une part de gâteau… ou leur meilleure barre chocolatée !

