Qui n’a jamais surpris son enfant plongé dans un monde imaginaire, en pleine conversation avec des personnages invisibles ou en train de construire, tout seul, le scénario d’une histoire rocambolesque ? En tant que parents, il arrive qu’on s’inquiète : parler autant dans le vide, est-ce vraiment normal ? Est-ce le signe d’un malaise, d’un manque de copains, voire d’une détresse intérieure ? Ou au contraire, cela traduit-il quelque chose de positif, une étape-clé pour bien grandir ? En cette fin octobre, quand les nuits rallongent et que nos petits trouvent dans leur chambre un refuge pour explorer leur univers intérieur, ce phénomène mérite toute notre attention… et peut-être un regard neuf !
Quand l’enfant invente des mondes : un signe éclatant de créativité et d’intelligence
Loin d’être anodin, ce « théâtre intérieur » est souvent le reflet d’un imaginaire en effervescence. Les enfants possèdent naturellement la capacité de s’évader dans des univers parallèles, une aptitude que bien des adultes rêveraient de retrouver. Se raconter des histoires seul pendant des heures n’est ni un repli inquiétant ni une bizarrerie, c’est un indicateur puissant de la faculté à manipuler les mots, les rôles et les intrigues – bref, à faire fonctionner à plein régime leur intelligence créative.
Créer des histoires, c’est construire son imaginaire et développer son langage
De nombreux enfants commencent à se lancer dans de grands monologues, dès 3 ou 4 ans, inventant des voix, des aventures, des dialogues multiples. Cette activité favorise :
- La richesse du vocabulaire et la maîtrise des phrases complexes.
- L’aisance à raconter, structurer une histoire, même à voix haute, ce qui renforce la confiance en soi.
- L’entraînement à jongler avec les points de vue, les personnages, les situations… une vraie gymnastique mentale.
En s’inventant des missions secrètes, en parlant à leur peluche préférée ou à leur « public », l’enfant apprend à nommer le monde et affine ses outils de communication. Un immense terrain de jeux, à la fois joyeux et formateur !
L’auto-dialogue comme terrain d’apprentissage et de résolution de problèmes
Lorsqu’ils imaginent une intrigue ou se questionnent à voix haute (« Qu’est-ce que je vais faire s’il pleut dans mon histoire ? Qui va sauver le dragon ? »), ils s’entraînent sans le savoir à :
- Résoudre des conflits en jouant plusieurs rôles.
- Tester des solutions, des raisonnements, oser l’improbable.
- Faire des liens entre des situations vécues et des mondes imaginaires.
Ce processus développe une réflexion souple, la capacité à planifier, à évaluer les émotions… Un véritable vélo d’intérieur pour muscler son cerveau !
Parler seul, c’est aussi apprivoiser ses émotions et mieux se connaître
Au-delà de la pure inventivité, l’auto-dialogue est une façon, pour l’enfant, d’explorer ses ressentis. C’est lorsqu’il se dit à lui-même « N’aie pas peur », « C’est pas grave », ou qu’il rejoue une dispute vécue à l’école, qu’il transforme son vécu intérieur en paroles.
Se dire « je », « tu », « il »… pour apprivoiser ses sentiments et ses peurs
Parfois, un enfant va passer d’un personnage à l’autre, changer de point de vue, ou adopter des tons très variés : autant de moyens pour mettre à distance ses préoccupations, tester différents scénarios, voire même exagérer ses propres peurs pour mieux les dompter. Que ce soit pour expliquer pourquoi la sorcière est fâchée ou pour rassurer son doudou, cette pratique permet :
- D’oraliser des situations qui lui échappent dans la vraie vie.
- De reprendre le contrôle sur un événement qui l’a marqué (une chute, une punition, une bagarre…).
- De trouver des mots pour définir des émotions qui restent parfois indistinctes.
Un auto-dialogue prolongé chez l’enfant révèle donc sa capacité à réguler son propre monde intérieur… et même à se réconforter sans l’aide d’un adulte.
Se raconter, c’est aussi mieux gérer ses frustrations et s’apaiser
Nombre de parents constateront que, quand la journée a été difficile, l’enfant a tendance à intensifier ses petites scènes en solo. C’est un outil naturel pour :
- Décharger la pression accumulée.
- Mettre des mots sur une contrariété, un chagrin ou une inquiétude.
- Se calmer avant le sommeil, s’apaiser après une grosse colère.
Ce rituel, bien plus qu’un simple bavardage, peut devenir une véritable soupape – l’enfant s’offre ainsi un moment de retour à soi, propice au réconfort.
À quel moment faut-il s’interroger ? Distinguer jeu sain et signaux d’alerte
La plupart du temps, ces longues conversations solitaires sont rassurantes. Mais il existe certaines situations où la vigilance parentale doit rester éveillée.
Quand parler seul devient synonyme d’isolement, de régression ou d’angoisse
Il est conseillé de s’interroger si :
- L’enfant refuse systématiquement la compagnie des autres au profit d’heures passées seul à se parler.
- Ce comportement s’accompagne d’une régression soudaine (perte de la propreté, troubles du sommeil très marqués…).
- Des signes nets d’angoisse, de « peur de tout » ou de refus de participer aux activités sociales surviennent en parallèle.
Point rassurant : dans l’immense majorité des cas, l’auto-dialogue prolongé n’indique rien d’anormal ! Il ne devient problématique que lorsqu’il s’accompagne d’autres signaux de mal-être ou d’isolement extrême.
Adopter la bonne posture de parent : écouter, accompagner, mais ne pas s’alarmer
Face à un enfant qui parle seul, mieux vaut privilégier l’écoute bienveillante sans chercher à tout prix à interrompre ou à vouloir absolument tout comprendre. Quelques pistes utiles :
- Lui proposer des temps partagés (dessins, histoires, jeux collectifs) sans forcer l’abandon de son univers personnel.
- Observer l’évolution de son comportement dans la durée.
- Être ouvert à la discussion si l’enfant souhaite raconter ce qu’il vit dans ses histoires imaginaires.
| Ce que l’on observe | Quelques conseils adaptés |
|---|---|
| Longues séances de jeu en solo, sans isolement social ni régression | Encourager, proposer des supports créatifs (théâtre de marionnettes, livres…), valoriser son inventivité |
| Isolement marqué, repli, tristesse ou inquiétudes répétées | En parler sereinement, proposer une écoute active, consulter si besoin le médecin si la situation persiste |
Souvenons-nous qu’il s’agit avant tout d’une phase saine, témoin d’un développement harmonieux de la pensée.
La magie du dialogue intérieur, une clé précieuse pour comprendre l’esprit des enfants
Sous ses airs de monologue étrange, l’auto-dialogue de l’enfant est bien souvent le reflet d’un esprit en train de se construire : il apprend, il rêve, il apprivoise le monde et lui-même. À quelques jours du passage à l’heure d’hiver, pourquoi ne pas prendre un temps pour observer, écouter et – qui sait – s’inspirer de cette créativité sans limite ? Et si l’on se laissait aussi, parfois, raconter des histoires rien qu’à soi ?

